« Je me suis imposé une règle : remplir quarante doubles pages d'un carnet, sans repentir, produire un flux régulier d'images, de « visions », tel le continuum de mots tracés sur le rouleau-parchemin de Sur la route de Kerouac, mais dans une immobilité tenace. Il s'agit de rester suffisamment longtemps sur un site pour capter toutes les subtilités du paysage, armé d'un feutre et d'un calepin. Les dessins surgissent des pages ouvertes, défilent comme une série d'instantanés de la ville, une empreinte urbaine tatouée sur le papier, le fruit d'un Street art contemplatif et solitaire. Debout, le carnet tenu vertical à bout de bras, sans esquisse préparatoire, la composition s'impose d'elle-même ; elle se dégage progressivement des lignes qui s'entrecroisent et font coïncider deux structures : celle du dehors et celle de la feuille. La lenteur des poses permet de capter les changements de lumière. Au bout de quelque temps, certains bâtiments, invisibles dans l'ombre, apparaissent. »
Après avoir consacré un Carnet à Montreuil, Mehdi Zannad investit les rues de Marseille durant plusieurs mois pour noircir l'intérieur de son Moleskine, format 9 x 14 cm. Le livre, qui restitue l'intégralité des vues, est également l'occasion pour l'artiste d'une réflexion sur ses techniques de dessin et de gravure. Le souvenir des influences qui l'ont nourri accompagne un panorama de précédents travaux consacrés à des sites urbains, industriels, paysagers ou architecturaux. Autant d'illustrations d'une « méthode », aussi personnelle que minutieuse, du croquis de paysage urbain.